Parce qu'il y eut Rimbaud, et qu'après Rimbaud il y eut toi, parce que tu l'avais lu, et qu'entre les lignes, tu y avais soustrait l'espoir pour le porter sur tes épaules, la nuit, parce qu'à bout de bras tu soutenais la voûte désertée du poème, parce que tu étais la rivière où commence la maison et le mouvement où s'achève le désir de maison, parce qu'avec la lumière, tu leur as fait parcourir l'en-dehors de la page, qu'ils débordent le contour de la parole, parce que déjà tu savais que parler, c'est surmonter notre rage et notre dégoût, parce que dans la ténèbre du nazisme, tu avais coupé chacun de tes poèmes avec un couteau pour les partager avec tes amis maquisards, parce que toujours tu as refusé de t'asseoir, pour préférer regarder vers le fond du puits, c'est qu'en toi l'ombre couvait sans que tu ne t'y abandonnes, sans omettre d'y consentir, et de t'y vérifier, parce qu'être poète, c'est habiter l'éclair, et tourner autour des abscisses, où distraire un lieu en place du silence, parce que tu avais inventé une géométrie du ciel pour la reverser dans la terre, un été dans l'étoile et la loge de la soif hasardeuse, que le sol y pourvoie, parce qu'avec tes mains, tu n'écrivais pas, avec tes mains, tu étais le bonheur et l'astre brûlant de la colère, parce qu'au feu tu avais jeté le langage, qu'advienne une arme plus féroce et plus amoureuse, parce que très tôt tu avais compris qu'il ne pouvait en être autrement, c'est que tu avais vu l'épouvantable souffle brun de ton siècle, et ses exhalaisons nauséabondes dans le nôtre commençant, toi qui t'acharnais à rester insulaire au sein du continent,
tu as bien fait de partir, René Char ! Nous sommes, malgré tout, quelques-uns à croire sans preuve le bonheur possible avec toi.
Pierre Hunout, Lisbonne, le 14 juin 2007, parce qu'aujourd'hui René Char aurait vaincu son siècle.
benji, si tu passes par là... ne suffoque pas, respire... voilà... profondément... ne t'inquiète pas, toi aussi tu as le droit d'écrire qql chose pour lui ! :)
RépondreSupprimersi je suffoque, c'est uniquement parce que je suis "espanté" par la beauté et la justesse de ce texte... vraiment!! l'idée de prendre pour base un texte que Char avait dédié à Rimbaud est excellente! Mais c'est surtout le souffle maîtrisé avec lequel tu as pétris ton texte qui me laisse sur le cul... sur ce, je m'en vais écrire tt de suite sur Thierry Metz ;-)
RépondreSupprimerMerci M. Fantôme !
RépondreSupprimerton commentaire me touche, car j'avoue, j'avais un peu peur de m'attaquer à ce monstre du poème...
mais 100 ans quand même ! Dixit ne pouvait pas passer à côté de ça.
PS : j'attends ta "lecture" de Thierry Metz avec impatience (impatience toute relative, car je sais très bien que dans cet autre monde qui est le tien, le temps n'a pas le même cours)
Assise sur la rive nord de l'estuaire, ton écriture Pierre, intranquille, comme Bernardo Soares, en eau-Tage, est l'avant-garde de mes lectures en ce moment.
RépondreSupprimermerci.